Bandes de constructibilité principale et secondaire : comment raisonner ?

Par Marie-Line Bourges-Bonnat
Publié le

De nombreux plans locaux d’urbanisme (PLU) fixent les règles d’implantation par rapport aux voies en définissant l’existence de « bandes de constructibilité », la première bande partant de la voie étant nommée « bande de constructibilité principale », et celle au-delà « bande de constructibilité secondaire ». En pratique, et lors de l’élaboration d’un projet, il est essentiel de savoir où commencent et ou finissent ces bandes, puisque les règles d’urbanisme applicables diffèrent. Une difficulté cependant : comment raisonner lorsque le règlement n’est pas clair et/ou que le projet présente des particularités ? Un arrêt récent du Conseil d’Etat apporte un éclairage intéressant sur le sujet. 

Bandes de constructibilité principale et secondaire : comment raisonner ?



Les faits:


L’affaire jugée par le Conseil d’Etat concernait une contestation de permis de construire, dans laquelle un débat existait au sujet de deux articles du règlement du PLU, relatifs à la bande de constructibilité principale, et à la bande de constructibilité secondaire.


En l'espèce, le règlement retenait la notion de « bande de constructibilité principale » pour les projets prenant place dans une bande de 20 mètres de profondeur le long d’une voie, et celle de « bande de constructibilité secondaire » pour la surface au-delà.


Le règlement fixait par ailleurs des règles d’emprise et de hauteur différentes dans chacune des bandes (avec des règles plus contraignantes dans la bande de constructibilité secondaire).


Le projet litigieux présentait quant à lui une particularité : il était doté d’une voie interne de desserte (laquelle, évidemment, n’était pas encore réalisée).


Concrètement, le pétitionnaire était parti du postulat qu’il était possible de délimiter une bande de constructibilité principale à partir de cette voie future (avec application des règles favorables s’attachant à cette qualification).




La procédure et la question de droit:


Par un arrêt du 19 juin 2014, la cour administrative d’appel de Versailles avait considéré que le règlement devait être interprété comme imposant de déterminer la bande de constructibilité principale à partir des seules voies existantes.


La Cour s’était basée, pour arriver à cette conclusion, sur les indications données dans le rapport de présentation.


Le Conseil d’Etat a donc dû s’interroger sur la possibilité de prendre en compte une voie future pour déterminer les bandes de constructibilité, dans un contexte particulier puisque le règlement était muet sur ce type de situations.





La solution:


Si le règlement avait été clair, le juge administratif n’aurait à l’évidence pas manqué d’en faire application.


Cependant, et puisque la lecture du règlement ne permettait pas de savoir si la notion de voie (servant à déterminer les bandes de constructibilité) se rattachait uniquement aux voies existantes, il a dû rechercher dans le rapport de présentation quelle avait été l’intention des auteurs du PLU.


En l’espèce, le rapport de présentation expliquait que si les bandes de constructibilité principale et secondaire étaient instituées, c’était pour limiter la construction en cœur d’ilôt.


L’objectif était ainsi de favoriser les constructions en première partie de terrain depuis la rue (bande de constructibilité principale), et de préserver les cœurs d’ilôts au-delà.


Le Conseil d’Etat a déduit de ces explications fournies par le rapport de présentation que le règlement ne pouvait qu’être interprété d'une seule façon: la bande de constructibilité principale est déterminée par rapport aux voies existantes, les voies futures ne pouvant pas être prises en considération.


Le projet a donc été considéré comme contraire au PLU, non pas parce que le règlement s’y opposait expressément, mais parce qu’il s’agissait là de la seule façon de respecter l’esprit du PLU.




Ce qu'il faut retenir:


L’arrêt aborde le point précis de l’implantation des projets par rapport aux voies, mais est surtout l’occasion de rappeler la portée du rapport de présentation, qui est un des documents constitutifs du PLU :


1-Il ne s’agit pas d’un document opposable pour la délivrance d’une autorisation d’urbanisme. La règle est donc claire : il n’est pas question de motiver un refus de permis de construire en reprenant les termes du rapport de présentation.


2-Si le rapport de présentation n’est pas directement opposable au stade de la délivrance des autorisations d’urbanisme, il n’en reste pas moins que le juge peut prendre en compte son contenu pour interpréter le règlement du PLU lorsque celui-ci n’est pas clair.


En conclusion, et en cas de silence du règlement sur un point particulier d’un projet, il convient d’aller au-delà de la rédaction de ce document, et de s’interroger sur la volonté des auteurs du PLU, en prenant connaissance notamment du rapport de présentation.


CE, 10 février 2016, n°383738

 
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