Dans quelles conditions peut-on déroger au RNU?

Par Marie-Line Bourges-Bonnat
Publié le

Le règlement national d’urbanisme (RNU), codifié dans le code de l’urbanisme, constitue le socle du droit de l’urbanisme. En effet, certaines de ses dispositions s’appliquent sur tout le territoire. D’autres s’imposent sur le territoire des communes non dotées d’un plan local d’urbanisme. De façon tout à fait exceptionnelle, il est cependant possible, dans des cas particuliers, de pouvoir y déroger. Le Conseil d’Etat vient ainsi de donner un éclairage sur les motifs de dérogation acceptables, dans un arrêt du 16 novembre 2016.

Dans quelles conditions peut-on déroger au RNU?



Le RNU, c’est quoi ?


Le règlement national d’urbanisme, qui concerne tous types de travaux (travaux soumis à permis de construire mais aussi à déclaration préalable), comporte deux types de dispositions :

  • Celles qui s’appliquent partout en France : elles permettent notamment de refuser une autorisation d’urbanisme pour un motif tiré de l’atteinte à la salubrité publique, de la mauvaise insertion dans l’environnement, du manque de stationnements…

  • Celles qui trouvent à s’appliquer lorsqu’une commune n’a pas de PLU. On trouve ainsi dans ces dispositions les règles à respecter en matière de hauteur et de volume des constructions, d’accès, d’espaces verts…


En pratique, il est courant que les plans locaux d’urbanisme se contentent, sur certains points, de reprendre purement et simplement le RNU.


Pour l’ensemble de ces raisons, le RNU constitue donc un ensemble de « règles de base » en urbanisme.



Que prévoit le code de l’urbanisme s’agissant des dérogations possibles ?


L’administration peut, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, déroger à une règle du RNU.


Dans le cas jugé par le Conseil d’Etat, c’est le Préfet, qui après avis du maire, pouvait autoriser la dérogation.


Face à ce pouvoir discrétionnaire, le juge administratif exerce un contrôle particulier, en vérifiant que les atteintes portées à l’intérêt général par la dérogation ne sont pas excessives eu égard à l’intérêt général que présente cette dérogation (c’est ce qu’on appelle le contrôle du bilan « coût/avantage »).



Les faits et la procédure :


Dans l’affaire qui vient d’être jugée, c’est une disposition du RNU relative à l’alignement par rapport à la voie publique qui n’avait pas été respectée, étant précisé que les travaux consistaient en une surélévation et la fermeture d’une véranda.


Le permis délivré, qui avait pour effet de créer 49 m² de SCHON, a donc été contesté par un voisin se prévalant de la violation du RNU, et de l’illégalité de la dérogation.


Le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête en première instance, mais la Cour administrative d’appel de Marseille a considéré en appel que le permis était effectivement illégal.


Le Conseil d’Etat a donc eu à se prononcer sur la légalité de la dérogation.



La solution :


Comme cela a été précédemment rappelé, le juge administratif doit, dans ce genre d’affaires, mettre en balance l’intérêt général que représente l’application du RNU, et l’intérêt général mis en avant par l’autorité qui accorde la dérogation.


En l’espèce, le Conseil d’Etat a fait primer l’intérêt général que représentait la dérogation pour deux motifs, dont l’un peut sembler, a priori , surprenant.


En effet, la haute juridiction a pris en considération le fait que les travaux allaient permettre le maintien d’une famille nombreuse dans le village, ce qui illustre bien le fait que la notion d’intérêt général ne se cantonne pas à l’intérêt urbanistique.


Cependant, le caractère atypique de ce motif doit être relativisé.


Tout d’abord, le Conseil d’Etat a également retenu un autre motif, cette fois, purement urbanistique, pour valider la dérogation.


Il a en effet retenu que les travaux allaient contribuer à une meilleure insertion de l’immeuble dans l’habitat voisin.


Ensuite, il convient d’éviter toute erreur d’interprétation.


 Le Conseil d’Etat ne s’est en effet  pas placé du côté de l’intérêt particulier de la famille.


Le maintien de la famille dans le village a ainsi été apprécié du point de vue de l’intérêt que celui-ci présentait pour le village.



Ce qu’il faut en retenir :


En cas de volonté de déroger à une règle du RNU, mieux vaut, en amont, réfléchir à un argumentaire tendant à démontrer que les travaux présentent un intérêt pour la collectivité.


Cela permettra de convaincre l’autorité compétente de l’opportunité d’une dérogation, et d’être préparé en cas de contestation.


CE, 16 novembre 2016, n°386298
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