Très concrètement, et en pareille hypothèse, le vendeur se trouve contraint d’adresser à la collectivité une déclaration d’intention d’aliéner (DIA), et d’attendre la décision de la collectivité d’acquérir ou non avant de vendre son bien.
Cependant, le droit de préemption, qui constitue un privilège pour l’administration, ne doit pas être exercé de façon abusive.
Le code de l’urbanisme prévoit ainsi un formalisme à respecter, mais aussi et surtout la nécessité pour l’administration de motiver sa décision de préempter.
A défaut, le juge administratif n’hésite pas à annuler la décision par laquelle la collectivité a préempté, comme vient de la faire la Cour administrative d’appel de Nantes dans un arrêt du 29 avril 2016.
Les faits :
Le maire de Dreux avait exercé son droit de préemption pour l’acquisition d’un immeuble en affichant dans sa décision l’objectif suivant : « constituer des réserves nécessaires à l’extension, à l’accueil et au regroupement de services d’intérêt collectif ».
En première instance, comme en appel, la décision de préempter a été annulée pour insuffisance de motivation.
Ce que disent les textes :
Deux textes sont pertinents en ce qui concerne la motivation des décisions de préempter.
Tout d’abord, l’article L 210-1 du code de l’urbanisme précise que le droit de préemption est exercé, en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objectifs définis à l’article L 300-1 du même code, à l’exception de ceux visant à sauvegarder ou mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre les actions ou opérations précitées.
Ce même article prévoit que toute décision de préemption doit indiquer l’objet pour lequel il est exercé.
Ensuite, l’article L 300-1 liste quant à lui les objectifs auxquels peut répondre l’exercice du DPU :
- Â mettre en oeuvre un projet urbain ou une politique locale de l'habitat,
- organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques,
- favoriser le développement des loisirs et du tourisme,
- réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur,
- lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux,
- permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...)
L’obligation de motivation qui en découle :
Dans le cas jugé par la Cour administrative d’appel de Nantes, le maire de Dreux avait bien, sur le plan strictement formel, donné une explication concernant l'objectif poursuivi, en indiquant que la commune souhaitait créer une réserve foncière.
Pour autant, le fait d’indiquer en objet que cette réserve était constituée en vue d’étendre, d’accueillir et regrouper des services d’intérêts collectifs, ne constitue pas une motivation suffisante.
Pour la Cour, la formulation n’est pas assez précise, puisqu’elle ne permet pas d’identifier à quel type d’opération visée par l’article L 300-1 du code elle pourrait être rattachée.
Il faut en déduire que pour qu’une décision de préempter soit légale, il faut qu’elle donne des indications suffisantes sur le projet communal, étant précisé qu’il s’agit uniquement de préciser la nature du projet, sans avoir à en détailler les caractéristiques.
Ce qu’il faut retenir :
Pour préempter, la collectivité titulaire du DPU doit être en capacité de justifier de la réalité d’un projet correspondant à une des opérations visées à l’article L 300-1 du code de l’urbanisme (même si ce projet ne doit pas nécessairement être précis).
La façon dont la décision de préempter est motivée permet non seulement, lorsque la rédaction est très floue, de soulever un vice de forme (le défaut de motivation, en violation de l’article L 210-1), mais aussi et surtout de remettre en cause la réalité du projet de la commune.
Il existe par ailleurs d’autres types d’arguments à faire valoir, la décision de préempter pouvant évidemment être contestée, y compris en référé, par l’acquéreur évincé.
CAA Nantes, 29 avril 2016, n°15NT02828