Implantation des éoliennes et protection des paysages

Par Marie-Line Bourges-Bonnat
Publié le

  Le juge administratif est compétent pour apprécier la légalité des permis de construire. A ce titre, il est amené à vérifier si un certain nombre de règles « objectives » ont été respectées (hauteur, emprise, alignement...). Le juge administratif doit cependant avoir une appréciation plus subjective sur certains points de droit. C'est typiquement le cas lorsqu'il s'agit de déterminer si le projet porte atteinte ou non à l'environnement existant. Un arrêt récent de la Cour administrative d'appel de Nantes, rendu le 5 février 2016, illustre le type de raisonnement mené en la matière en ce qui concerne l'implantation d'éoliennes.

Implantation des éoliennes et protection des paysages

Les faits :


Le projet consistait en l'implantation de quatre éoliennes d'une hauteur de 150 mètres pales comprises, ainsi que d'un poste de livraison.

Le terrain d'assiette du projet présentait la particularité de se trouver à 1,6 km d'un château classé monument historique, mais aussi d'être compris dans le panorama offert par une commune située à une dizaine de kilomètres, dotée de remparts classés eux aussi monument historique.

C'est dans ce contexte que le Préfet de la région Centre a refusé le permis de construire.

En première instance, le tribunal administratif d'Orléans a refusé d'annuler cette décision, en considérant qu'elle était bien fondée.

La Cour administrative d'appel de Nantes a quant à elle confirmé ce jugement.

 

Le principe


La Cour a rappelé le principe posé par l'article R 111-21 du code de l'urbanisme.

Selon ce texte, l'autorité administrative peut refuser un permis de construire (ou l'assortir de prescriptions spéciales) lorsque le projet porte atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'aux perspectives monumentales.

Plus précisément, il appartient à l'autorité administrative de raisonner en deux temps pour rechercher l'atteinte éventuelle au paysage naturel.

Celle-ci doit ainsi, dans un premier temps, apprécier la qualité du site naturel concerné.

Dans un second temps, il doit apprécier l'impact que pourrait avoir la construction projetée sur ce site, compte-tenu de sa nature et de ses effets.

 

La solution retenue


La Cour s'est livrée à un examen minutieux du site concerné, en relevant les éléments suivants :

  • l'existence d'un château classé monument historique à 1,6 km du projet ;

  • l'existence d'une commune présentant des particularités à une dizaine de kilomètres .


En l'occurence, la commune possède deux monuments historiques : une église classée monument historique et inscrite au patrimoine mondial de l'humanité de l'Unesco, et des remparts également classés.

Une fois ce constat effectué, la Cour a constaté qu'il y aurait une covisibilité entre les monuments historiques et les éoliennes.

Elle a également relevé que la commune offrait , des remparts, un vaste panorama à dominante naturelle et boisée, et une vue sur un prieuré.

Dans ces circonstances, la Cour a considéré que le Préfet pouvait interdire l'implantation des éoliennes du fait de l'atteinte au paysage.

En d'autres termes, le projet ne verra pas le jour pour des raisons relevant de l'esthétisme, et de la protection des sites.

Il faut en déduire qu'il ne suffit pas qu'un projet respecte toutes les règles fixées dans le document d'urbanisme pour être autorisé. En effet, encore faut-il que l'environnement existant ne mérite pas de protection particulière, cela étant particulièrement vrai pour les projets présentant une certaine importance (éoliennes, immeubles...)

CAA Nantes, 5 février 2016, n°14NT02311
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