Implantation d’une habitation à proximité d’une exploitation agricole : quelle distance respecter ?

Par Marie-Line Bourges-Bonnat
Publié le

En matière d’implantation de bâtiments agricoles, il existe des règles législatives et règlementaires prescrivant des règles de distance vis-à-vis des habitations. Ces règles ont vocation à limiter les nuisances pour le voisinage, et sont fixées soit dans le règlement sanitaire départemental, soit dans des arrêtés spécifiques lorsque le projet relève de la législation ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement). L’article L 111-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit quant à lui un principe de réciprocité :si des dispositions réglementaires ou législatives soumettent l’implantation d’un bâtiment agricole à une condition de distance par rapport aux habitations, cette même règle de distance doit être appliquée lorsqu’il s’agit d’implanter une habitation à proximité d’un bâtiment agricole. La règle semble simple, mais a donné lieu à des interrogations quant à sa combinaison avec le principe d’indépendance des législations. Le conseil d’État vient de clarifier les choses.

Implantation d’une habitation à proximité d’une exploitation agricole : quelle distance respecter ?




Les faits :


Le préfet du Haut-Rhin avait délivré un permis de construire pour une maison individuelle, devant être implantée à moins de 100 m d’une exploitation agricole ayant pour activité l’élevage de bovins.


L’exploitation concernée constituait une installation classée pour la protection de l’environnement, relevant de l’arrêté du ministre de l’écologie et du développement durable du 7 février 2005, lequel prévoit que les bâtiments d’élevage de bovins doivent être implantés à au moins 100 m des habitations des tiers.


Le permis de construire a été contesté par l’exploitant agricole.


Celui-ci a obtenu gain de cause devant le tribunal administratif de Strasbourg dans un premier temps, mais a ensuite vu ce jugement favorable annulé par la cour administrative d’appel de Nancy.


C’est dans ce contexte que l’agriculteur a saisi le Conseil d’État.




La problématique :


Dans ce cas d’espèce, il ne faisait aucun doute que le projet impliquait l'implantation d'une habitation à moins de 100 m du bâtiment agricole du requérant.


Il ne faisait aucun doute non plus que ce bâtiment agricole relevait d’une réglementation prévoyant une distance minimale de 100 m vis-à-vis des habitations.


La question juridique était donc de savoir si le principe de réciprocité devait être appliqué.


Pour écarter la règle de réciprocité, la cour administrative d’appel de Nancy s’était appuyée sur le principe d’indépendance des législations (principe selon lequel la légalité d'une autorisation délivrée au titre d'une législation- par exemple, en matière d'urbanisme- ne peut pas être contestée sur le fondement d'une autre législation- par exemple, celle applicable en matière d'ICPE).


Plus précisément, elle avait considéré que le permis de construire n’avait pas à sanctionner des prescriptions édictées aux titres de la législation des ICPE.


Dès lors, le Conseil d’État a dû déterminer quel principe faire primer : l’indépendance des législations ou le principe de réciprocité des distances.




La solution :


L’article L 111-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit :


« Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l’implantation ou l’extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d’éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l’exception des extensions de constructions existantes. »


Le Conseil d’État a déduit de la rédaction de cet article qu’il imposait une application réciproque des dispositions législatives ou réglementaires imposant une distance minimale d’éloignement aux bâtiments agricoles, et ce quelle qu’en soit la nature.


L’autorité compétente pour délivrer le permis de construire une maison d’habitation doit donc vérifier que les règles d’éloignement sont respectées, et ce quand bien même les règles seraient issues de la législation ICPE.


 En d'autres termes, la haute juridiction a affirmé que le principe de réciprocité devait primer sur le principe d'indépendance des législations.




Ce qu’il faut retenir :


Dès lors qu’un particulier envisage d’implanter une construction à proximité d’une exploitation agricole, il lui appartient de se renseigner sur les règles d’éloignement applicables à ladite exploitation.


Cela lui permettra de déterminer la distance minimale à prévoir entre sa construction et le bâtiment agricole concerné.


CE, 26 février 2016, n°3800556

 
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