Licenciement illégal : quid des indemnités ?

Par Marie-Line Bourges-Bonnat
Publié le

Le principe : Les motifs retenus pour le licenciement d’un agent public doivent être corroborés par les pièces du dossier. Lorsque la décision de licenciement est considérée comme illégale par la juridiction administrative, cette dernière considère que la personne publique employeur a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. La difficulté principale réside dans l’évaluation du préjudice subi.

Licenciement illégal : quid des indemnités ?



Les faits :


Un agent public non titulaire (= sous contrat) avait été recruté pour une durée de 3 ans, avec une période d'essai de 3 mois, par le Conseil Général des Deux-Sèvres.


Au terme de la période d’essai, le Président du Conseil Général a mis un terme à son contrat pour insuffisance professionnelle.


Il était reproché à l’intéressé des faits d’une gravité relative, à savoir principalement : prise de rendez-vous sans préalablement prévenir le président du groupe d’élus concerné, avoir pris 5 jours de congés pour un déménagement, avoir fait enregistrer son véhicule personnel afin d’accéder au parking réservé aux élus et à la direction.


Le département soutenait que ces faits caractérisaient « à titre principal, une insuffisance professionnelle ou, à titre subsidiaire, une rupture du lien de confiance ».


L’agent a contesté la décision devant le Tribunal Administratif de Poitiers et a sollicité la condamnation du département à lui verser des dommages-intérêts.



 La décision :


Le Tribunal Administratif de Poitiers, suivi par la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, a considéré que si certaines maladresses pouvaient être reprochées à l’intéressé, la matérialité des faits dans leur ensemble n’était pas établie et que, par conséquent, l’insuffisance professionnelle n’était pas caractérisée, pas plus que la rupture du lien de confiance avec l’employeur.


Par suite, la juridiction administrative a considéré que la décision de licenciement était entachée d’une illégalité fautive susceptible d’engager la responsabilité du département, dès lors qu’elle est à l’origine directe et certaine des préjudices subis.


 Le Tribunal, puis la Cour, ont ensuite procédé à l’évaluation du préjudice après avoir rappelé le principe qui prévaut en la matière :


« Sont indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente, compte tenu de l’importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l’encontre de l’intéressé, un lien direct de causalité ».


Sont ainsi pris en compte :




  • la perte de traitement,

  • la perte des primes et indemnités dont l’intéressé avait une chance sérieuse de bénéficier.


Sont exclues les indemnités destinées à compenser des frais, des charges ou des contraintes liées à l’exercice effectif des fonctions.


Le juge effectue donc une appréciation au cas par cas et en l’espèce, il a estimé que l’indemnité d’exercice de missions et l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) devaient être prises en compte.


Concernant l’IFTS, il a considéré que si elle était liée à l’exercice effectif des fonctions, elle correspondait néanmoins à  « une somme constante, perçue de manière régulière » et que l’intéressé avait donc « une chance sérieuse d’en bénéficier ».



Ce qu’il faut retenir :


Un agent public estimant être illégalement licencié est légitime, en parallèle de la contestation de son licenciement, à demander l’indemnisation des préjudices subis, correspondant à la perte de traitement et à la perte des primes et indemnités qu’il perçoit de façon constante.


À noter que l’indemnisation du préjudice moral n’est pas à exclure.


 

(CAA Bordeaux, 4 février 2016, n°15BX00638)
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