En droit
En 2013, exprimant une volonté certaine de limiter le nombre de recours dirigés contre les permis de construire, le gouvernement a introduit de nouvelles dispositions au code de l’urbanisme, qui peuvent être qualifiées de restrictives.
Ainsi, en application de l’article L.600-1-2 du code de l’urbanisme, une personne voulant contester un permis de construire ne peut plus par exemple se contenter d’invoquer sa qualité de voisin proche, mais doit prouver que le projet est « de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance » de son bien.
En pratique
Si le principe ainsi posé peut paraître empreint de bon sens et que le voisin immédiat a généralement intérêt pour agir, en pratique ces dispositions sont fréquemment utilisées par les promoteurs et les collectivités pour affirmer que les personnes contestant le permis de construire n’ont pas d’intérêt pour agir et que par suite leurs recours présentent un caractère abusif.
En ville, et notamment à Rennes, de nombreux immeubles voient le jour sur les grands boulevards et modifient de façon substantielle le cadre de vie des habitations situées à l’arrière, lesquelles bénéficient souvent d’un cœur d’îlot arboré.
L’impact est bien évidemment important : perte de luminosité, diminution des espaces verts, perte d’intimité et, in fine, perte de valeur de la propriété.
Dans de nombreux cas, promoteurs et mairie invoquent avec aplomb, voire mauvaise foi, l’absence d’intérêt pour agir des voisins non immédiats, quand bien même ces derniers se situeraient à 50 m de l’immeuble projeté et que les terrasses de celui-ci bénéficieraient d’une vue plongeante sur les jardins et les pièces de vie.
L’arrêt de la Cour
Après avoir rappelé les règles applicables en la matière, la Cour Administrative d’appel de Nantes a estimé dans cette affaire que les requérants n’avaient pas intérêt pour agir pour les motifs suivants :
- propriétés distantes de prêt de 400 m,
- hauteur mesurée de l’immeuble : 7,72 mètres
- propriétés séparées par des prés entrecoupés de haies bocagères et d’arbres de hautes tiges,
- pas d’atteinte à l’intimité car vue furtive et partielle à travers la végétation.
Ainsi, l’appréciation se fait au cas par cas et il est clair que l’absence d’intérêt pour agir concerne en réalité des cas plus limités que ce que pourraient espérer promoteurs et grosses collectivités.
Ce qu’il faut retenir
La contestation d’un permis de construire n’est bien évidemment pas une fin en soi, mais il est légitime de vouloir préserver son bien et son cadre de vie.
Pour y parvenir, le chemin n’est pas nécessairement simple et il est impératif ne de ne pas se laisser intimider par les professionnels de l’immobilier.
« Le pot de terre contre le pot de fer » est une expression qui ne devrait plus exister !
Pardon Monsieur de La Fontaine …
(CAA de NANTES, 14 juin 2017, n°15NT02010)