Poursuites pénales contre le maire: quelle protection de la part de la commune?

Par Marie-Line Bourges-Bonnat
Publié le

Le maire est chargé d’exécuter les délibérations du conseil municipal, mais aussi de prendre seul un certain nombre de décisions, sur délégation de l’organe délibérant. Ses attributions sont donc nombreuses et variées, et peuvent parfois donner lieu à des erreurs de la part du maire, notamment dans des dossiers présentant une certaine complexité. Pour cette raison, le législateur a entendu accorder au maire une certaine protection dans l’exercice de ses fonctions, y compris en cas de poursuites pénales. Un arrêt du conseil d’État du 30 décembre 2015 nous permet d’en comprendre les contours.

Poursuites pénales contre le maire: quelle protection de la part de la commune?


 

Le principe :


 

L’article L 2123-34 du code général des collectivités territoriales prévoit :

« La commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions ».

La règle est donc la suivante : lorsqu’un élu est poursuivi pénalement, il doit être protégé par la commune.

Cependant, la protection ne vaut pas en toutes circonstances.

Il faut en effet que la faute ne soit pas détachable de l’exercice des fonctions de maire.

Il faut en déduire que si la faute est détachable, le maire doit assumer seule ses actes, sans protection de la collectivité.

 

Les faits :


 

Dans l’affaire jugée par le Conseil d’État le 30 décembre 2015, le maire avait fait en sorte que la commune fasse l’acquisition de deux voitures de sport. Il les utilisait à titre personnel, en les prêtant également à un membre de sa famille.

Les achats de carburant correspondants étaient par ailleurs facturés à la commune.

Ces faits ont conduit à la condamnation pénale du maire, le tribunal correctionnel de Draguignan ayant retenu l’existence d’un détournement de biens publics.

Le maire a décidé de faire appel de ce jugement, et a sollicité la protection de la commune dans le cadre de cette procédure.

Cette protection a été accordée par le conseil municipal, lequel a pris une délibération en ce sens.

Dans le cadre de son contrôle de légalité, le préfet du Var, qui estimait que la protection n’était pas due, a contesté cette délibération en référé devant le tribunal administratif de Toulon.

En première instance, le juge des référés a suspendu la délibération autorisant la protection, en considérant effectivement qu’il y avait un doute sérieux sur sa légalité.

Cette position a été confirmée en appel, puis par le conseil d’État.

 

L’analyse du conseil d’État :


L’arrêt du conseil d’État est intéressant en ce qu’il explicite les faits qui révèlent une faute personnelle détachable des fonctions de maire.

Il vise ainsi trois hypothèses dans lesquelles la faute doit être considérée comme détachable :

  • les faits révèlent des préoccupations d’ordre privé ;

  • les faits procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques

  • les faits revêtent, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, une particulière gravité.


Dans le cas d’espèce, le conseil d’État a considéré que la faute commise par le maire était bien une faute personnelle n’ayant rien à voir avec ses fonctions de maire.

Pour arriver à cette conclusion, il a constaté que l’acquisition des deux voitures de sport ne répondait pas aux besoins d’une administration communale, et que les véhicules étaient utilisés à des fins personnelles.

C’est donc parce que les faits révélaient des préoccupations d’ordre privé que la protection de la commune devait être écarté.

CE, 30 décembre 2015, n°391798
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