Cependant, que se passe-t-il lorsque l’affichage n’est pas régulier, mais qu’un tiers a manifesté sa connaissance du permis de construire en formant un recours gracieux contre le permis ?
Le Conseil d’Etat a répondu à cette question en appliquant la théorie dite de la « connaissance acquise » dans un arrêt en date du 15 avril 2016.
Rappel des règles concernant le déclenchement du délai de recours :
Pour que le délai de recours commence à courir, il faut que l’affichage du permis de construire soit régulier, c’est-à -dire conforme aux prescriptions de l’article R 424-15 du code de l’urbanisme.
Plus précisément, cet article prévoit que l’affichage doit être visible de l’extérieur, et rester en place pendant toute la durée du chantier.
L’article A 424-15 du code de l’urbanisme précise quant à lui les dimensions minimales du panneau d’affichage, alors que l’article A 424-16 détaille les mentions obligatoires (lesquelles concernent le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain, l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté, outre des mentions spécifiques en fonction du type de projet)
Enfin, l’article A424-17 du code impose au bénéficiaire du permis de prévoir une mention relative au délai de recours, et à l’obligation de notification des recours prévue en la matière.
La problématique dans l’affaire jugée :
Dans le cas d’espèce jugé par le Conseil d’État, l’affichage du permis contesté n’était pas conforme aux exigences du code de l’urbanisme, puisqu’il manquait une indication concernant le délai de recours.
Malgré cette omission, un tiers avait rapidement formé un recours gracieux devant le maire contre ledit permis.
Cette même personne a cependant attendu trois ans pour saisir le juge administratif d’un recours contentieux.
Ce recours a été rejeté en première instance puis en appel, de telle sorte que le Conseil d’État a dû se prononcer en dernier lieu sur la question de savoir si le recours était ou non tardif.
La solution :
L’application stricte des textes relatifs au déclenchement du délai de recours contentieux aurait dû conduire la haute juridiction à considérer que le délai de recours n’avait pas couru, puisque l’affichage n’était pas complet.
Cependant, le conseil d’État a rappelé que les règles concernant le déclenchement du délai de recours poursuivaient un « but légitime de préservation de la sécurité juridique de la situation des bénéficiaires de permis de construire, tout en permettant au tiers d’exercer leur droit de recours. »
Pour écarter la solution, et au regard des objectifs poursuivis précités, il a donc considéré :
- D’une part, qu’à partir du moment où un tiers formait un recours gracieux, il manifestait nécessairement avoir connaissance du permis,
- D’autre part, que cette connaissance avait eu pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux exigences prévues par l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme ;
Ce qu’il faut retenir :
Les règles relatives au déclenchement du recours doivent permettre aux tiers ayant intérêt à contester un permis d’engager un recours s’ils le souhaitent.
Pour cette raison, le délai de recours ne court pas, en principe, lorsque les formalités de publicité sur le terrain n’ont pas été (ou ont été mal) accomplies.
Ceci-étant, les règles relatives à la publicité sont considérées par la Conseil d’Etat comme tendant prioritairement à préserver la situation juridique des bénéficiaires de permis de construire.
Pour la haute juridiction, l’objectif premier est donc de faire en sorte qu’un permis de construire ne soit pas indéfiniment contestable, sans limite dans le temps.
Pour cette raison, le juge considère qu’un tiers n’est plus recevable à contester un permis de construire au-delà du délai de deux mois lorsqu’il est manifeste qu’il avait en réalité connaissance de l’autorisation qu’il conteste.
A noter cependant que l’arrêt du Conseil d’Etat peut paraître surprenant, dans la mesure où la mention manquante sur le panneau concernait précisément le droit de recours, et notamment le délai (lequel n’est en principe pas opposable au requérant s’il n’a pas été porté à sa connaissance!).
La Cour administrative d’appel de Lyon avait par exemple pu décider en 2015 que l’'exercice d'un recours administratif pour obtenir le retrait d'une autorisation était sans incidence sur l'inopposabilité du délai de recours à son auteur dès lors que le panneau d'affichage de l'autorisation ne mentionnait pas les voies et délais de recours en méconnaissance de l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme (CAA Lyon, 1re ch., 30 juill. 2015, n° 14LY02581).
Finalement, l’arrêt du Conseil d’Etat revient à considérer que pour le déclenchement du délai de recours vis-à -vis d’un tiers, l’exercice d’un recours gracieux remplace purement et simplement un affichage régulier.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, un recours gracieux n’a donc rien d’anodin.
Dès ce stade de la contestation, il est en effet nécessaire de maîtriser non seulement les règles de fond applicables en urbanisme, mais aussi les règles procédurales.
CE, 15 avril 2016, n°375132