Refus de poste après une demande de réintégration : quid des indemnités chômage ?

Par Marie-Line Bourges-Bonnat
Publié le

Sauf lorsque les nécessités du service s’y opposent, le fonctionnaire peut être placé à sa demande en disponibilité pour convenances personnelles. Cela signifie concrètement qu’il est, durant une période maximale de trois ans (renouvelable) placé temporairement hors de son administration. Pendant ce temps, le fonctionnaire ne perçoit pas de traitement et cesse de bénéficier de ses droits à l’avancement et à la retraite.

Refus de poste après une demande de réintégration : quid des indemnités chômage ?

Il conserve cependant la possibilité de réintégrer son administration à l’issue de la disponibilité avec une règle stricte cependant, et valable dans les trois fonctions publiques : s’il refuse successivement trois postes, il peut être licencié.


Ceci-étant, le refus de poste a une autre conséquence : même si l’agent a fait une demande de réintégration et reste en disponibilité d’office dans l’attente de celle-ci, il n’est pas acquis qu’il puisse percevoir des indemnités chômage.


C’est la règle que vient de poser la Conseil d’Etat dans un arrêt du 24 février 2016.



Les faits :


Un ingénieur territorial de la région Poitou-Charentes avait demandé à son employeur sa réintégration à l’issue d’une disponibilité pour convenances personnelles.


Dans les jours suivant la date à laquelle l’agent souhaitait être réintégré, la région lui avait fait plusieurs propositions de poste.


Le fonctionnaire n’avait pas donné suite, et avait été placé en disponibilité d’office dans l’attente de sa réintégration.


Finalement, l’agent a dû attendre six mois pour réintégrer son administration.



La procédure :


L’agent concerné avait demandé à son employeur de lui verser des allocations chômage pour les six mois s’étant écoulés entre la date de fin de sa disponibilité, et la reprise effective de son travail.


Face au refus de la région de faire droit à cette demande, il a en première instance saisi le tribunal administratif de Poitiers, lequel n’ a fait droit à ses prétentions que partiellement (seulement pour une période de quelques jours).


L'agent a cependant obtenu gain de cause devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux.


Les juges d’appel ont en effet recherché si l'intéressé avait été involontairement été privé d’emploi, et ont considéré que cela était nécessairement le cas au regard de son maintien en disponibilité malgré la demande de réintégration.



Le raisonnement du Conseil d’Etat :


La haute juridiction a rappelé les deux types de règles applicables en la matière.

S’agissant de la réintégration après une disponibilité pour convenances personnelles :

L’article 72 de la loi du 26 janvier 1984 relative à la fonction publique territoriale prévoit que lorsque l’agent demande sa réintégration, il doit se voir proposer une des trois premières vacances d’emploi dans sa collectivité d’origine.

Selon ce même texte, l’agent peut être licencié après trois refus de poste successifs, après avis de la CAP.

S’agissant du droit des fonctionnaires à percevoir des indemnités chômage :

Le code du travail prévoit que les fonctionnaires bénéficient d’indemnités chômage dans les mêmes conditions que les salariés de droit privé à savoir lorsqu’ils sont « involontairement privés d’emploi » (étant précisé que les indemnités sont alors versées par l’administration).


Pour le Conseil d’Etat, il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’à l’issue de la disponibilité pour convenances personnelles, le fonctionnaire qui est maintenu dans cette position ne peut prétendre à des allocations chômage que si ce maintien résulte de motifs indépendants de sa volonté.


Le fait de considérer, comme l’a fait la Cour, que le maintien en disponibilité malgré une demande de réintégration suffit pour regarder le fonctionnaire comme « involontairement privé d’emploi », et ce "sans qu’il soit besoin d’apprécier la nature des emplois proposés et les motifs des refus", constitue une erreur de droit.


L’arrêt est donc annulé, et l’affaire renvoyée devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux.



Ce qu’il faut retenir :


Le fonctionnaire a un droit à réintégration mais doit avoir l’esprit que ses marges de manœuvre sont restreintes.


Les refus de poste successifs l’exposent en effet à un licenciement.


Il n’est par ailleurs absolument pas garanti qu’il puisse bénéficier du versement d’indemnités chômage.


Pour pouvoir prétendre au chômage, encore faut-il, en effet, qu’il puisse démontrer avoir été « involontairement privé d’emploi ».


Cette circonstance doit être appréciée au cas par cas, au regard des postes proposés, et des raisons pour lesquels le fonctionnaire les a refusés.


CE, 24 février 2016, n°380116

 

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