Savoir-être et insuffisance professionnelle

Par Marie-Line Bourges-Bonnat
Publié le

Tout agent public s’expose à une sanction disciplinaire lorsqu’il commet une faute disciplinaire, c’est-à-dire un manquement aux obligations qui pèsent sur lui (retards répétés, attitudes déloyales, violation du devoir de réserve etc…). En revanche, l’agent public qui ne donne pas satisfaction en ce qui concerne la qualité de son travail risque d’être écarté de ses fonctions pour  insuffisance professionnelle, sans que l’objectif poursuivi soit celui de la sanction.

Savoir-être et insuffisance professionnelle


A priori, la faute disciplinaire et l’insuffisance professionnelle correspondent donc à des situations bien différentes.

En pratique cependant, des faits peuvent donner lieu aux deux qualifications. L’administration peut-elle retenir la seule notion d’insuffisance professionnelle lorsque les faits relèvent également de la faute disciplinaire ?

La Cour administrative de Versailles vient de répondre par l’affirmative, dans un arrêt intéressant en date du 24 janvier 2016.


Les faits :


Un centre hospitalier avait recruté en CDI un ingénieur en chef pour suivre le projet de construction d’un nouvel établissement.

La relation de travail a cependant pris fin par un licenciement pour insuffisance professionnelle, le centre hospitalier reprochant à son ingénieur d’être agressif et discourtois avec ses collègues et la hiérarchie.

L’ingénieur contestait par ailleurs publiquement les décisions du directeur, et entretenait des relations difficiles avec l’architecte titulaire du marché de maîtrise d’œuvre, cela ayant occasionné des retards dans le déroulement du chantier.

Les reproches concernaient donc, sans ambiguïté, la façon dont l’agent se comportait, et non pas la qualité du travail fourni sur le plan technique.


La problématique :


Pour contester son licenciement, l’agent a exposé que les faits qui lui étaient reprochés constituaient des fautes disciplinaires.

Il en déduisait que son licenciement avait été décidé au terme d’une procédure irrégulière, au motif notamment qu’une commission de discipline aurait dû être consutée préalablement à son licenciement.

La question était donc de savoir si les faits pouvaient relever de la notion d’insuffisance professionnelle, et justifier un licenciement sur ce fondement

La position de la Cour :


La Cour a reconnu, sans surprise, que les faits reprochés auraient effectivement pu recevoir une qualification disciplinaire.

Pour autant, elle a considéré que le fait de choisir la voie du licenciement pour insuffisance professionnelle alors qu’une procédure disciplinaire aurait pu être engagée, n’était pas, en soi, illégale.

En l’occurrence, ce choix était légal, puisque les faits révélaient bien une insuffisance professionnelle.

Plus précisément, et selon la Cour, l’insuffisance s’apprécie au regard des exigences de capacité que l’administration est en droit d’attendre d’un agent en fonction de son grade.

Dans le cas d’espèce, le comportement était bel et bien inadapté au regard du niveau de responsabilité confié à l’agent.

En résumé, l’insuffisance professionnelle peut également être retenue pour des problèmes de « savoir-être ».

 

CAA Versailles, 26 janvier 2016, n°14VE00916


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